L’avenir de la compétitivité européenne : Rapport de Mario Draghi

L’Europe est à la croisée des chemins. Confrontée à une concurrence mondiale exacerbée, à des transitions énergétique et numérique massives et à de nouvelles réalités géopolitiques, son modèle de prospérité est remis en question. Le Le rapport de l’ancien Premier ministre italien et président de la BCE, Mario Draghi, dresse un diagnostic sans concession et propose une feuille de route radicale pour réinventer la compétitivité européenne.

Cette synthèse décrypte les enjeux clés et les implications stratégiques pour votre entreprise.

Un « changement radical » pour la survie économique

Le constat de Mario Draghi est simple : l’Europe a perdu du terrain. Sa productivité stagne, elle dépend de l’extérieur pour son énergie et ses matières premières, et elle accuse un retard d’investissement massif face aux États-Unis et à la Chine, notamment dans les technologies de pointe et la défense. Le morcellement de ses marchés (énergie, finance, télécoms) l’empêche d’atteindre la taille critique nécessaire pour rivaliser.

Face à ce diagnostic, le rapport appelle à un « changement radical ». Il ne s’agit plus de faire des ajustements à la marge, mais de repenser l’Union européenne comme une entité économique intégrée.

La stratégie proposée repose sur trois piliers :

1. Atteindre l’échelle critique : Fédérer les forces en créant de véritables marchés uniques de l’énergie, de la finance et des télécommunications pour réduire les coûts et favoriser l’émergence de champions européens.
2. Fournir des biens publics essentiels : Coordonner les investissements dans des domaines où aucun État membre ne peut réussir seul, comme la défense, la sécurité énergétique et la recherche à grande échelle.
3. Sécuriser les ressources critiques : Assurer l’approvisionnement en technologies et en matières premières indispensables, en développant des chaînes de valeur européennes résilientes.

Pour financer cette transformation, estimée à 500 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an, le rapport préconise de mobiliser massivement l’épargne privée via une « Union des marchés des capitaux » et de rationaliser l’utilisation des fonds publics.

C’est un appel à l’action pour une Europe plus unie, plus stratégique et plus souveraine.

Le diagnostic : Les failles de la compétitivité Européenne

Le rapport met en évidence plusieurs faiblesses structurelles :

• Un déficit de productivité : La productivité européenne a progressé beaucoup moins vite que celle des États-Unis ces 20 dernières années.
• Des coûts énergétiques prohibitifs : Le prix de l’électricité est structurellement plus élevé en Europe, handicapant son industrie.
• Une fragmentation qui coûte cher : L’absence d’un marché unique de la défense ou de l’énergie empêche les économies d’échelle et crée des surcoûts.
• Un manque de main-d’œuvre qualifiée : Le déficit de compétences dans les secteurs technologiques et scientifiques (STIM) freine l’innovation.

La vision : Trois piliers pour une nouvelle stratégie

Pour inverser la tendance, Mario Draghi propose de concentrer les efforts sur des plateformes d’action paneuropéennes.

1. L’échelle avant tout : Le rapport insiste sur la nécessité de créer des « géants » européens capables de rivaliser sur la scène mondiale. Cela passe par l’harmonisation des réglementations et la consolidation des marchés pour permettre aux entreprises de croître.
2. L’investissement dans les biens publics : L’UE doit agir comme un seul acteur pour financer les infrastructures énergétiques, les réseaux de communication et une base industrielle de défense commune.
3. La sécurisation des chaînes d’approvisionnement : De la production de semi-conducteurs à l’extraction de minerais critiques, l’Europe doit réduire ses dépendances stratégiques.

Le défi : Mobiliser 500 milliards par an

Le besoin d’investissement est colossal. Le rapport chiffre le déficit annuel à 500 milliards d’euros pour financer les transitions verte et numérique. La solution ne viendra pas uniquement des États. Il est impératif de canaliser l’énorme épargne privée européenne (plus de 300 milliards d’euros partent chaque année vers les marchés étrangers) vers les entreprises et les projets innovants en Europe. La création d’une véritable Union des marchés des capitaux est la clé de voûte de ce financement.

Enseignements pour les Dirigeants et DRH

1. Pensez « échelle européenne ». La consolidation des marchés est inévitable. Préparez vos organisations à des opérations de fusion-acquisition, à des partenariats transfrontaliers et à une gestion des talents à l’échelle du continent.
2. Anticipez la guerre des talents dans les secteurs stratégiques. Les investissements massifs dans l’énergie, la défense, le numérique et la deep tech vont créer une demande explosive pour des profils très spécialisés. Votre capacité à attirer, former et retenir ces experts sera un avantage compétitif majeur.
3. Intégrez la « compétence énergie » à tous les niveaux. La maîtrise des coûts énergétiques devient un enjeu de survie. Développez les compétences internes en matière d’efficacité énergétique, d’achat d’énergies renouvelables et de gestion de la décarbonation.
4. Développez une main-d’œuvre « STIM ». Le déficit en compétences scientifiques et technologiques est une menace directe. Collaborez avec les universités, créez des académies internes et investissez dans la reconversion (reskilling) pour bâtir le vivier de talents dont vous aurez besoin.
5. Préparez-vous à une nouvelle donne réglementaire. L’harmonisation des règles au niveau européen va s’accélérer. Mettez en place une veille active et adaptez vos processus pour transformer ces nouvelles réglementations en opportunités plutôt qu’en contraintes.